N° 55, juin 2010

Rencontre entre peinture et poésie


Jean-Pierre Brigaudiot


Les trois poèmes présentés ici témoignent d’une démarche où la peinture et la poésie se rencontrent et fusionnent. Chaque poème est en même temps un texte et une peinture : il se donne à lire comme poème et à voir comme peinture. Mais les choses ne sont pas si simples car les lettres et les mots en s’exposant échappent au sens et aux chants propres à la poésie pour s’apprécier également esthétiquement, au plan de leur plasticité. De ce fait la seule lecture ne suffit point à épuiser le poème, qui ainsi conçu offre la possibilité d’un voyage, d’une errance en son territoire, où le chant des mots se perçoit par bribes, en alternance ou concomitamment avec le chant des couleurs et des textures, et où les blancs et les signes non linguistiques jouent également un rôle non négligeable.

Ces œuvres revêtent soit l’aspect de tableaux de grands formats réalisés au pochoir à lettres et à la peinture, soit, un peu comme ici, l’aspect de compositions à l’ordinateur jouant de la typographie, du blanc de la page, de la couleur et des signes usuels propres au clavier. En ce dernier cas les compositions sont retravaillées avec un logiciel de traitement d’image puis finalement tirées en argentique sur papier photo. Ces œuvres réalisées avec les moyens de la reproductibilité (le pochoir à lettres, la photo ou l’ordinateur) restent cependant uniques, il s’agit d’un parti pris objectivé et d’une résistance à la multiplication infinie.

Pour beaucoup de ces poèmes, le point de départ ou le tremplin est un extrait, quelques lignes du texte d’un poète ou d’un auteur, philosophe, critique, analyste, rencontré au hasard de flâneries chez les bouquinistes et dans les revues. La présente poésie se positionne ainsi comme étant un espace d’échos où résonne le chant des poésies et des textes du monde, ceux des temps passés et des temps actuels, ceux qui s’adressent et s’offrent à l’humanité.

Quant à la place de ce type de poésie au cœur de la poésie contemporaine, elle peut être située d’une part dans la postmodernité et d’autre part relever d’une démarche de déconstruction de l’écriture et même de la pensée. Le Temps, l’écriture elle-même, l’être au monde en sont les thèmes de prédilection. La logique textuelle, les règles de la poésie (ou ce qu’il en reste), sont subverties et la poésie est explicitement toujours et encore à réinventer.

Quelquefois les poèmes incluent des images, ce sont des photos de petits rien de la plus grande banalité, rencontrés au quotidien, choses dont émane une émotion et une poésie hors champ de l’écriture, sans mots, en ce merveilleux silence propre aux images.

Dans le cadre du numéro spécial de La revue de Téhéran consacré à la poésie iranienne, les citations proviennent de poèmes de Mehdi Akhâvan Sâles, Ahmad Shâmlou et Forough Farrokhzâd, dont la traduction en français est accessible. Bien évidemment, publiés, ces trois poèmes échappent à la règle de l’unicité ; il s’agit d’une exception permettant une brève rencontre avec certains aspects de la poésie iranienne.



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