N° 83, octobre 2012

Café Piano
Unique roman de son auteur, best-seller iranien


Saeed Sadeghian


« [A]ie toujours un exemplaire de Café Piano dans ton sac,

afin de le leur montrer et leur dire que mon père est écrivain. » (Café Piano, p. 266) [1]

Café Piano, publié en hiver 2008, est le seul roman de son auteur, Farhâd Ja’fari. Né en 1965, il est avant tout journaliste. Ayant commencé par publier son propre magazine, Yek Haftom (Un Septième), il fut ensuite obligé de le fermer à cause de problèmes financiers. Il continua son travail de journaliste tout en étanchant sa soif d’écrire en tenant un blog. L’ensemble des anecdotes de ce père de famille constitue la base de son roman, Café Piano ; livre qui a fait grand bruit de par le talent de son auteur ou la curiosité de ses lecteurs. Les éditions Tcheshmeh viennent ainsi de le rééditer pour la 34e fois, le tirage total ayant presque atteint cent mille exemplaires.

Café Piano est un roman écrit à la première personne qui a pour personnage principal un propriétaire de café. Ayant fermé le magazine dont il était responsable à cause de problèmes financiers, ce dernier a décidé d’ouvrir un café dont le nom est le titre du livre : Café Piano. Le travail au café l’aide non seulement à vivre, mais lui donne également la possibilité de payer les dettes issues de son mariage et préparer définitivement son divorce. Dans le roman, la présence d’une jeune étudiante en théâtre, Safourâ, qui vient jouer dans le café, fournit au narrateur un prétexte pour parler de sa femme, Pari-Simâ. Cette présence devient de plus en plus décisive quand, après un long moment, la femme du narrateur retourne chez lui. L’entrée concrète de cette dernière sur la scène, permet de prendre conscience d’un aspect essentiel du livre : on était jusque-là en train de lire le roman dont l’écrivain est le narrateur. Selon ce processus de mise en abyme, on se rend compte que le divorce et la femme fatale de l’histoire n’étaient que des fictions romanesques. Pourtant, à cause de la forte ressemblance entre la vie du narrateur et les détails qu’il a insérés dans son roman, sa femme hésite à accepter l’irréalité de la jeune étudiante en théâtre. Cela devient le sujet d’une dispute, à la fin de laquelle le narrateur quitte sa maison, retournant à sa première histoire, et essaie de finir son roman Café Piano.

Le récit du « moi » : un individualisme dominant

Le livre commence avec une explication du narrateur sur lui-même. L’explication se prolonge à travers la première partie, pour continuer implicitement tout au long du roman. Cet élément transforme la nature du roman en un récit du « moi ». La plupart du temps, les répliques des autres personnages sont des informations sur le caractère et le comportement du narrateur. Par exemple, la fille du narrateur, lors de sa première entrée dans le roman et alors que l’on ne sait rien d’elle, dit : « Il tousse, l’odeur de ta cigarette. » (p. 10). Le narrateur cherche dans les propos des autres une présentation implicite ou un portrait indirect de lui-même. Il construit alors un monde dont il est le centre : « Il était encore là, je veux dire qu’il était là où j’étais aussi. » (p. 41). Cet égocentrisme est souligné par les propos des autres personnages, et trouve sa confirmation dans leurs compliments. Cette centralisation du récit autour du narrateur double artificiellement le nombre des personnages, peu élevé au début. Ainsi, par exemple, les personnages masculins sont tous des êtres exceptionnels en tant que faisant partie du cercle d’amitié du narrateur et ont donc des points communs avec lui ; mais d’un autre côté, ils ne peuvent avoir un caractère défini et un dessein précis. Autrement dit, privés d’une existence indépendante du narrateur, les personnages sont aussitôt abandonnés au fur et à mesure de l’avancement de l’histoire.

Le narrateur tente ainsi de définir un territoire individuel où chaque chose, au moment de naître dans son monde, se voit affublée d’un adjectif possessif : « ma chaise à moi », « mon cendrier à moi », « la pipe qui est à moi », « mon magazine », « mon Café », etc. Ce dernier est pour lui un espace intérieur et un refuge par rapport au monde extérieur et la société qui l’entoure. Il se pose contre une société mercantiliste dont il se considère la victime, puisqu’en raison de problèmes financiers, il a été obligé de fermer son magazine et a ouvert un café uniquement pour gagner de l’argent. C’est sur la base de cette image de la société que le dégoût par rapport aux normes et coutumes sociales devient l’un des thèmes principaux de l’œuvre. Au travers de ses paroles offensantes, ses fantasmes et même ses actions, le narrateur exprime son dégoût par rapport aux contraintes sociales. Il fait non seulement preuve d’un esprit anarchiste vis-à-vis de ces contraintes et de ces coutumes, mais n’hésite également pas à transmettre cet esprit aux autres, en disant par exemple à sa fille de jouer avec une boîte afin de perturber les voisins ou en proposant à son ami une manière de se suicider en manière de provocation. N’ayant plus espoir de pouvoir réaliser ses idéaux dans une telle société, il se réfugie dans son café pour construire son propre monde tout en se demandant : « Ne vaut-il pas mieux avoir un café ou telle autre chose propre à soi, que d’avoir à s’adapter au café immonde des autres ? » (p. 44).

Couverture du roman Café Piano, écrit par Farhâd Ja’fari

Dans cette société, le grand problème de la communication avec l’Autre se pose à l’individu. Déjà, la communication verbale est mise en question. On doit même payer une somme de plus pour parler avec le narrateur dans son propre abri, c’est-à-dire le Café Piano. Non seulement la communication verbale n’est pas possible, mais le narrateur essaie également de projeter un sens sur les mouvements des autres et ainsi de créer un nouveau langage : « Je lui ai donné une fessée pour lui faire comprendre qu’il est mieux de partir avant la nuit. » (p. 15). On peut suivre les traces du problème de non-communication jusqu’à l’unité la plus petite de la société et son noyau : la famille, la première société dans laquelle vit l’individu. Cet aspect participe à la construction d’une des questions essentielles du texte. Tout au long de l’histoire, il n’y a que trois personnages féminins principaux : la fille et la femme du narrateur, ainsi que le personnage féminin de son roman. La fille, qui a une présence visible dans les premières parties, perd la place qu’elle occupait au fur et à mesure de la progression de l’histoire, pour s’effacer enfin sous le poids des dialogues entre la femme du narrateur et le personnage féminin fictif de son roman. Ces deux femmes incarnent deux types féminins bien distincts dans le monde du narrateur : Pari-Simâ, l’épouse, « vivant dans les nuages », « buvant du lait », « reine de l’aspirateur », « prudente », « scrupuleuse », ne pense qu’à son "intouchabilité". A l’opposé, il y a Safourâ, la rivale de la première, « l’un des claviers du Piano », « obéissante », « séduisante », « dégagée », qui fume, qui porte toujours « des vêtements qui ne sont pas les préférés de notre système moral et au sujet desquels on ne peut fournir davantage d’explication » (p. 224), et qui a tout ce que le narrateur aime. Ainsi, le monde du narrateur est divisé entre deux femmes, l’une qui est bien réelle, mais avec laquelle le narrateur ne peut partager une vie, et l’autre qui est fictive mais représente sa communicante idéale. D’après cette division entre la réalité et la fiction, l’individu préfère rester seul dans son abri, construire son propre monde et écrire son propre roman.

Une écriture moderne, une thématique postmoderne

La langue que choisit l’écrivain pour écrire son roman est assez proche d’un style oral et s’inscrit dans un registre familier. En tant que journaliste et blogueur, il utilise un lexique du quotidien et permet ainsi l’accès à un texte bien lisible et à l’écriture limpide. Il n’existe pas de grande différence entre les écrits journalistiques ou les propos de l’auteur sur son blog, et l’écriture de son roman. Mais l’écrivain fait un pas en avant et, profitant des éléments typographiques comme la ponctuation, l’italique, les mots en caractères gras et les espaces blancs, transforme son écriture en une recherche formelle. La littérature classique persane devient pour lui un sac lourd qu’il refuse de porter. Il préfère donc le laisser derrière lui, voire l’ignorer : « Quand j’ai voulu porter un de ces fameux sacs – il était évident que le sac était rempli de ces bouquins littéraires, pavés de deux mille pages à propos des ”lettres persanes” et autres âneries du même type - j’ai compris qu’il m’était impossible de les monter chez nous » (p. 197). Ce renoncement lui vaut des changements formels. Il n’utilise plus le point-virgule [ ;] suivant son usage standard et lui donne une fonction semblable à la virgule [,]. Ainsi dans son texte, le point-virgule [ ;] ne distingue pas deux phrases, mais produit simplement une pause. Les paragraphes changent suivant le goût du narrateur et non pas sur la base d’une logique précise. Les espaces qui distinguent deux paragraphes sont parfois de deux lignes, parfois d’une seule. A la place des guillemets, les marqueurs propres du discours direct, il utilise l’italique. Il profite aussi des mots en caractères gras pour désigner les noms propres étrangers ; ainsi un certain accent est mis sur les acteurs et les actrices hollywoodiens, sur les écrivains et leurs livres, ainsi que sur les marques commerciales.

Ce dernier accent mis sur les marques commerciales fait revivre un thème connu des années ayant succédé à la Seconde Guerre mondiale jusqu’à nos jours : la société de consommation et la réification. Mais cette fois, l’auteur montre un autre aspect, plus récent, de ce phénomène, c’est-à-dire le rôle que jouent les marques dans la vie d’aujourd’hui. En choisissant un ensemble de marques industrielles étrangères devenues très courantes dans la société persane, le narrateur souligne l’effacement des frontières géographiques dans le monde actuel. Les marques d’une langue source deviennent les noms propres dans une langue de destination. Ainsi le texte est truffé de mention de marques de produits étrangers, mises en valeur par une seule marque persane, « l’aspirateur Pars-Khazar dont le sac s’était raréfié quelques temps » (p. 200). C’est dans ce nouveau monde que les choses dictent aux hommes leurs actes, et il faut que les vêtements ou les chaussures exigent quelque chose. Dans ce monde moderne et ses productions industrielles, toutes semblables, le narrateur cherche des choses uniques et essaie de valoriser des pièces antiques et faites à la main pour s’enfuir de la réification. Lui aussi, en tentant de changer l’aspect premier de produits industriels, les transforme en objets uniques - ce qu’il fait par exemple avec les papiers, en les froissant et en en faisant des sachets et ainsi « chacun devient un paquet exclusif et quand [il] en donne un à quelqu’un, ce dernier est sûr qu’il n’y en a qu’un exemplaire unique, et qu’il lui appartient » (p. 141).

Le monde du narrateur est un monde d’apparence. C’est la focalisation externe qui détermine tout. La première caractéristique des gens dans son monde, c’est leur couleur. Il reconnaît les gens à travers leur apparence extérieure. Les vêtements et les objets sont décisifs dans la caractérisation des hommes, de même que la forme de leurs mains et de leurs ongles : « Rien ne dévoile autant sur le comportement des gens que leurs ongles – leurs formes et leurs courbes -. » (p. 133). Ainsi, les noms comme autant de caractéristiques externes prennent une importance essentielle pour définir la nature de l’homme, « parce que le dessin des hommes est mystérieusement dépendant du sort de leur homonyme prédécesseur. » (p. 20). Dans ce règne de l’apparence, le narrateur demande une certaine franchise dans les paroles et le comportement des autres, et cherche toujours des figures qui se montrent telles qu’elles sont. Le texte, qui commence avec cette phrase, « Je n’ai jamais caché une chose réelle, quelle qu’elle soit, malgré la feinte apparente », ne cesse d’insister sur ce manque de sincérité chez les hommes. Ce manque est devenu une habitude sociale, blâmée dans l’œuvre. Cette dominance de la focalisation externe, suivie tout au long de l’histoire, produit un monde dans lequel ce sont les actions qui sont déterminantes et non les intentions. Le narrateur ne parle jamais de l’aspect intérieur de ses personnages. Tout se passe au même niveau, et tous les personnages sont vides d’états d’âme. Même s’ils rient ou pleurent par exemple, on ne peut l’attribuer à une raison intérieure précise.

Le monde dans lequel vivent les personnages ou le personnage principal est un monde exogène. On y trouve aisément des coïncidences incongrues. La fille du narrateur, après avoir découvert des choses banales, se retrouve facilement mise au même rang qu’Hippocrate de Cos ou Euclide. Le directeur d’une usine de recyclage, qui veut publier ses articles en philosophie moderne chez le narrateur est « un industriel débile, qui imprimerait en couverture de ses articles tout ce qu’il trouve beau. Soit Guernica, soit une œuvre d’Andy Warhol sur le visage de Marilyn Monroe » (p. 100). Dans cet assemblage d’éléments hétéroclites, Brad Pitt, le célèbre acteur d’Hollywood, est imaginé avec les vêtements propres au hadj et la femme du narrateur est incarnée comme « une rousse qui parle persan. Et avec le hidjab, sa beauté est multipliée par huit » (p. 160). Cet amalgame produit des images parfois choquantes et le plus souvent ironiques. Dans ce monde, les chiffres ne sont jamais exacts, et le narrateur profite toujours des nombres imprécis pour indiquer ce qu’il veut. Mais cette nonchalance concernant le monde mathématique n’est pas une dominante du texte. En effet, les images et l’imagination anarchiste du narrateur nous empêchent de ranger son texte parmi les écrits neutres. Même les jeux dont le narrateur parle dans le texte sont dépourvus de toute nonchalance, et l’importance de ces jeux pour les personnages est évidente. On la voit par exemple au travers des fanfaronnades du narrateur concernant son habileté aux échecs et son envie d’être toujours le vainqueur : « Le jeu a évidemment un vainqueur et un vaincu. » (p. 144).

Une loquacité intellectuelle

L’incipit du roman nous met face aux fonctions du narrateur qui se répètent tout au long du texte : la fonction explicative et la fonction d’idéologue. Cette seconde fonction suit toujours un ordre plus au moins courant pour faire progresser son roman : ainsi, dans chaque partie de son texte, le narrateur raconte quelque chose, qui peut être un simple événement, un fait divers ou une petite histoire, et tout suite après, au travers de propos argumentatifs, il essaie de l’expliquer et d’en dégager une conclusion. Il utilise sans cesse des expressions explicatives comme « c’est-à-dire », « je veux dire », « en effet », « selon moi », « si je veux être sincère », « parce que », etc. L’ensemble des termes suivis par une explication du narrateur concerne ce qu’il vient de dire. Il ne se satisfait pas d’une simple explication et la plupart du temps, y ajoute une phrase de conclusion. Ce qui empêche le lecteur de penser autrement. Il dégage de ce qu’il raconte des règles et recettes pour diverses choses. Ainsi, son texte devient un ensemble d’aphorismes et d’apophtegmes. Ses amis lui demandent de répéter ses phrases afin de les écrire. En contact avec les livres, il y cherche lui-même de belles phrases qui lui servent de citations sur son blog ou même dans son roman. Ainsi, quand on discute de son livre, les aphorismes s’avèrent être le plus important : « Elle m’a demandé : si tu avais écrit un roman, quelle en serait sa phrase clé ? » (p. 231). L’envie du narrateur de montrer ce qu’il pense du monde crée d’ailleurs une partie dans laquelle on ne peut rien trouver qui ressemble à une histoire, voire à une intrigue. Le narrateur y répond à ses emails et ajoute des phrases à son blog. Dans tout ce passage, on ne voit que les propos du narrateur autour de n’importe quel sujet. Nous trouvons même l’esquisse d’une nouvelle, dans son email à un personnage qui vient de naître et va mourir à la fin de l’écriture de ce courrier électronique. En considérant la place de cette partie qui se trouve vers la fin du roman, nous pouvons peut être l’interpréter comme une décharge intellectuelle du narrateur.

L’ensemble des circonstances à travers lesquelles l’histoire surgit forme un contexte fortement culturel. Tout un monde d’art et de littérature, auquel le narrateur se réfère, présente la culture et les questions culturelles comme le thème principal du texte. Déjà la dédicace du roman à Holden Caulfield, le héros de Catcher in the Ray de J. D. Salinger, prédit l’atmosphère du roman. Ce premier indice est suivi par un champ lexical culturel pourvu de noms d’acteurs et d’actrices, d’écrivains, de peintres, de titres de films et de livres. Non seulement le narrateur cite ses propres lectures et les films qu’il a vus, mais les propose aussi au lecteur. Pour lui, l’image et l’aspect visuel des événements ont une grande importance. Dans ce monde de l’image, le cinéma devient une hyper-référence, et aussi une source d’information de premier degré. Ainsi et pour prouver ses propos, le narrateur se remémore des films qu’il a déjà vu. Des acteurs et des actrices du cinéma américain deviennent les comparants pour ses comparaisons, ce qui peut être interprété comme une invitation pour un dialogue interculturel avec le lecteur, qui ne doit pas oublier l’influence de ces noms et titres, tous connus en Iran et qui servent au roman de point d’appui, sur la vente considérable du roman dans ce pays.

L’autre élément ayant contribué à faire de cet ouvrage un best-seller est le fait qu’il utilise certains archétypes du monde intellectuel moderne de l’Iran : le café et la cigarette - en empruntant ici le titre du film de Jim Jarmusch, Coffee and Cigarettes [2] - les deux archétypes d’un monde intellectuel dont Café Piano se veut le représentant. Le café, dans sa forme moderne et à partir de la seconde moitié du XXe siècle, joue un rôle important sur la scène de l’intelligentzia iranienne. Nous ne pouvons pas ne pas citer le nom du café Nâderi de Téhéran, l’un des premiers refuges des lettres modernes en Iran, qui a accueilli une génération de jeunes écrivains, tous fondateurs de la littérature moderne persane. En effet, ces jeunes gens, l’avant-garde de leur époque, souhaitaient que les cafés aient une nouvelle fonction, qu’ils soient un lieu pour discuter de leurs idées, le lieu qui pour eux jouait le même rôle que les salons littéraires en France. Désormais, les cafés sont devenus des lieux accueillant des jeunes gens cherchant un lieu pour leurs causeries. Ici, presque tout le roman se passe dans un café. Bien que l’écrivain ne dise rien des habitudes propres à ce genre de lieu, choisir ce titre dénote toute une culture dont ce mot est le symbole. Cette fois, l’écrivain, prenant ses distances vis-à-vis des discussions intellectuelles, essaie de montrer une autre face de ce monde, c’est-à-dire le côté apparent étant profondément lié avec deux images : la cigarette et le café – le café comme lieu et boisson. Le narrateur insère dans son texte différentes formes du café - « café express », « café turc », « café français », « capuccino » etc. - mais parle également constamment de divers plats et mets comme éléments inséparables de la vie. Autrement dit, on peut toujours trouver la trace d’un repas qui accompagne les dialogues et les scènes du roman. Le narrateur lui-même ne cache pas cette vérité et dit : « Il est plus honorable de remplir le ventre des gens que de forcer quelque chose dans leur tête vide » (p. 70). D’un autre côté, la cigarette, étant considérée comme la nourriture de l’esprit, est aussi omniprésente dans le texte : son odeur, sa fumée, sa marque et même la manière dont on la fume, deviennent les motifs répétitifs du roman : « Je donnerai ma vie pour qu’une femme prenne une cigarette entre ses doigts d’une telle façon. C’est-à-dire qu’elle la prenne du ventre de la cigarette, et non de son cou. C’est-à-dire qu’elle ne la prenne pas près du filtre, ce qui est l’habitude des hommes » (p. 227).

Le roman de Farhâd Ja’fari ayant occupé le premier plan de la scène littéraire persane pendant presque une année, a attiré beaucoup d’attentions et a suscité de nombreuses critiques, positives ou négatives. Certains considèrent ce livre comme un chef-d’œuvre et déplorent que ce genre d’ouvrage ne soit pas plus présent ; tandis que d’autres ne voient dans ce roman qu’une œuvre intelligemment préparée pour le marché du livre. Ces critiques ont empêché l’auteur de prolonger son récit et d’en faire une trilogie comme il en avait l’intention. Il ne faut également pas oublier que les prises de positions politiques de l’auteur durant ces dernières années ont éloigné certains de ses lecteurs.

Notes

[1Toutes les citations sont de Farhâd Ja’fari, Café Piano, Tcheshmeh, 24e édition, 2008, Téhéran.

[2Dans ce titre, le café est utilisé dans le sens de boisson.


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