N° 26, janvier 2008

Au Journal de Téhéran

L’architecture iranienne moderne


A.G. E’tesâm Zâdeh




15 Dey 1316
5 Janvier 1938

Le nouvel aspect des grandes villes iraniennes a quelque chose d’original et de caractéristique, comme un cachet particulier qui les rapproche et les distingue à la fois des villes d’Occident. Européennes par l’alignement de leurs larges avenues bordées d’arbres et bosselées de refuges, par le costume des passants, par le trafic intense et le tumulte des klaxons, par les grands magasins aux vitrines flamboyantes, elles demeurent parfaitement orientales par l’architecture des maisons et des édifices publics, par le ruissellement des mosaïques, par un retour aux formes antiques : bas-reliefs et colonnades, masses imposantes et suprême élégance. Cette belle architecture moderne de l’Iran se remarque surtout à Téhéran dans les grands palais érigés au cours de ces dernières années. La Préfecture de police et la Banque Mellî usent largement des colonnades élancées et des motifs sculpturaux du Palais de Darius ; mais sous cette apparence antique, ces bâtiments grandioses contiennent le maximum de confort moderne.

Le grand-théâtre municipal, en construction - trop grand, prétendent ceux qui ne sont pas au courant de l’extension formidable de la Capitale - montre déjà les mêmes colonnes sveltes, derrière lesquelles on aperçoit la coupole immense et la terrasse de conception occidentale. Les rues ne sont plus bordées de ces murs en pisé éternellement gris, mais de solides bâtisses à un, deux et trois étages, dont les fenêtres ne s’ouvrent plus en dedans et ne donnent plus sur des cours intérieures comme autrefois. Car, l’abandon du voile féminin a eu notamment pour effet de modifier l’orientation des croisées.

La Banque Mellî utilise largement des colonnades élancées et des motifs sculpturaux du Palais de Darius

Certes, la Capitale n’a pas encore son aspect définitif, étant en perpétuelle transformation. A côté des maisons d’architecture néo-iranienne, on en remarque aussi de conception nettement européenne du plus pur modern-style. Mais ces bâtiments ultramodernes ne font que ressortir davantage encore la beauté et l’originalité des édifices d’architecture nationale.

Cette nouvelle architecture de la renaissance iranienne se complètera et se perfectionnera sans aucun doute. Les besoins nouveaux de la civilisation nécessitent une révision des formes antiques. Cette révision se fait à mesure qu’on s’aperçoit des lacunes à combler.

Il arrivera un jour où l’art et l’hygiène, l’élégance et le confort, la beauté et l’utilité, créeront une architecture aux formes stabilisées, d’une conception à la fois artistique et confortable, et l’on peut prévoir que, comme les ogives iraniennes qui donnèrent naissance à l’architecture gothique, les nouvelles données architecturales de notre pays serviront de source d’inspiration pour les artistes occidentaux épris d’orientalisme.

Parlant de l’art perse du vieux temps, L. Hourticq dit dans l’Encyclopédie des Beaux Arts : "L’art perse, c’est déjà l’Europe qui s’annonce". On peut, croyons-nous paraphraser la déclaration précitée et dire que l’art iranien moderne, qui doit une bonne part à l’Europe, trouvera prochainement dans les pays d’Occident des imitateurs intelligents. Car réunissant à la fois les beautés des architectures chaldéenne assyrienne, égyptienne - et, naturellement perse - et occidentale, l’architecture iranienne moderne est une synthèse digne d’attirer l’attention des gens épris des belles choses.

L’avenir dira si nous nous trompons dans ce pronostic.


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