N° 49, décembre 2009

Les Khazars, peuple de la steppe


Mireille Ferreira


En langue persane, la mer Caspienne est nommée mer de Khazar (daryâ-ye khazar – دریای خزر). Sa désignation dans les langues turque et turkmène (Hazar Denizi) a la même signification. Qui sont ces Khazars, peuple depuis longtemps disparu, qui a tant marqué cette région d’Asie au point de laisser son nom à cette mer fermée, considérée comme le plus grand lac du monde (avec une superficie de 370 000 km²) et qui partage ses eaux entre la Russie, le Kazakhstan, le Turkménistan, l’Iran et l’Azerbaïdjan ?

Les khazars, alliés de l’empire byzantin

Entre la fondation de sa capitale, Constantinople, en 330, et 1453, date de sa conquête par les Ottomans, l’empire byzantin ne cessa de se défendre contre une multiplicité d’adversaires. Aucun Etat, hors la Chine, ne connut une telle adversité pendant plus de mille ans.

Au VIIe siècle de l’ère chrétienne, l’empire byzantin est attaqué de toutes parts par des hordes nomades venues des steppes de l’Asie septentrionale – Avars et Turcs en particulier, qui convoitent ses richesses et, surtout, par les Perses sassanides, ses voisins, qui convoitent ses terres. Selon la défense classique des empires sédentaires, les Byzantins cherchent des alliés en nouant des alliances avec les nombreuses tribus nomades qui les menacent, les dressant au besoin les unes contre les autres. A cette fin, ces empires leur paient de généreux tributs ou contractent avec eux des mariages pour les tenir tranquilles ou s’assurer une neutralité bienveillante, au moins momentanément.

L’empereur byzantin Héraclius (610-641) convainc les Khazars de le soutenir contre les Perses sassanides. Cette alliance, qui durera de 622 à 627, lui permettra de remporter une victoire décisive contre les Perses en 627, rétablissant son empire dans ses frontières initiales.

Les Khazars, peuplade d’ethnie turque, venue d’Asie centrale [1], avaient fondé dès 582, au nord-est de la mer Noire, un puissant état, la Khazarie, qui s’étendra, à son apogée, dans la deuxième moitié du VIIIe siècle, du delta de la Volga au nord Caucase et du Don aux frontières du Califat abbasside et de l’empire byzantin.

Ils seront à nouveau les alliés de Byzance lorsque les troupes nomades arabes, profitant de l’épuisement des Byzantins et des Sassanides au terme de plusieurs décennies de conflit, auront la volonté de propager le message du Prophète Mohammad, mort en 632 après J.-C. Ils seront aussi à ses côtés lorsque Bulgares, Magyars, Petchenègues, et autres tribus barbares venues d’Asie centrale, menaceront cet empire par des assauts répétés jusqu’au début du XIe siècle. Comme c’était l’usage, l’alliance des deux alliés sera scellée par un mariage, celui de l’empereur Constantin V (741-775) avec Petite Fleur, princesse khazare. Léon, né de cette union, règnera sur l’empire byzantin, de 775 à 780, sous le nom de Léon IV le Khazar.

Le « phénomène khazar », conversion d’un peuple au judaïsme

Peu d’écrits nous sont parvenus sur l’histoire des Khazars. Quelques chroniqueurs arabes et byzantins qui traversèrent le Caucase décrivent d’une manière fragmentaire les us et coutumes du royaume khazar avant sa conversion au judaïsme, qui eut lieu vers l’an 740.

La source la plus complète est l’échange de correspondances entre le roi khazar Joseph et Hasdai Ibn Shaprut, ministre juif du calife de Cordoue, rédigées entre 954 et 961, soit plus de deux cents ans après la conversion des Khazars, même si la réalité de cette correspondance est contestée par quelques historiens.

Sur le plan politique, le royaume est gouverné par un roi, le Kagan, qui vit quasiment reclus. Les affaires de l’Etat et le commandement de l’armée sont confiés au Kagan Bek qui exerce, dans les faits, le pouvoir, le Kagan ne représentant que le pouvoir religieux. La première capitale de cet empire fut probablement la forteresse de Balandjar dans le piémont septentrional du Caucase. Après les incursions arabes du VIIIe siècle, elle fut transférée à Samandar, sur la rive occidentale de la mer Caspienne, et plus tard à Itil sur l’estuaire de la Volga [2]. L’hégémonie régionale de la Khazarie s’explique par le fait que seul le roi des Khazars possède une armée de métier, comprenant une garde prétorienne qui, en temps de paix, fait régner l’ordre dans la mosaïque des ethnies et qui, en temps de guerre, peut structurer les hordes qui comptent jusqu’à cent mille hommes.

Sur le plan culturel, les arts et métiers sont florissants, même s’il s’agit d’un art d’imitation, proche des modèles perses sassanides. Les bijoux, les fourrures, les étoffes de soie, la vaisselle d’or et d’argent sont admirés au cours des mariages princiers. Certains archéologues hongrois soutiennent que les orfèvres qui travaillaient en Hongrie au Xe siècle étaient en fait des Khazars.

Avant leur conversion, les Khazars s’adonnaient à une forme de chamanisme, telle que pratiquée par leurs voisins de la steppe. C’est le roi khazar Bulan qui décida de cette conversion, l’islam et la chrétienté restant présents dans le royaume, y compris parmi les dignitaires de haut rang. L’adoption du judaïsme - une première dans l’Histoire, de la part d’un peuple n’appartenant pas à l’une des douze tribus d’Israël - peut être interprétée comme une volonté des Khazars d’échapper à l’influence de leurs puissants voisins Byzantins et Arabes. Adopter le christianisme ou l’islam les aurait immédiatement soumis à l’autorité, soit de l’empereur byzantin, soit du calife de Bagdad. Le Kagan n’embrasse pas pour autant une religion dont il ignore le contenu. En fait, depuis plus d’un siècle, les Khazars connaissaient les Juifs et leurs observances par le flot continu des réfugiés qui fuyaient les persécutions religieuses de Byzance ou qui venaient d’Asie mineure conquise par les Arabes.

La fin d’un royaume

Les Khazars s’opposent aux Rhus - Slaves de l’Est à l’époque byzantine - qui, après avoir tenté en vain de prendre Constantinople en 860, ravagent une partie de leurs possessions. Puis, en 965-967, Sviatoslav, Prince de Kiev [3], défait leur royaume. L’empire byzantin a cessé d’apporter son soutien au royaume juif khazar, son ancien allié, car entretemps, Olga, veuve du Prince Igor et mère de Sviatoslav, a embrassé le christianisme. Les Khazars conservent cependant leur indépendance et leur foi judaïque sur un territoire réduit, jusqu’à ce que les redoutables hordes mongoles le détruisent au milieu du XIIIe siècle. Il semble qu’ils soient retournés alors à leurs habitudes premières de pillage et de nomadisme. Ils disparaîtront en tant que peuple en se fondant, selon toute vraisemblance, dans les populations locales. Les rares sources à ce sujet mentionnent plusieurs établissements khazars à la fin du Moyen-âge en Crimée, en Ukraine, en Hongrie, en Pologne et en Lituanie.

Carte de la steppe pontique aux environs de l’an 650

De fait, à l’aube des temps modernes, c’est en Russie et en Pologne, notamment, que l’on trouvera les plus importantes communautés juives. Une grande partie des juifs d’Europe orientale, les Ashkénazes, seraient d’origine khazare, se distinguant ainsi des migrations séfarades du pourtour méditerranéen.

Marquant bien cette différence, Marek Halter, dans son roman Le Vent des Khazars fait dire au vieux Benjamin, ancien Kagan khazar : "Les enfants d’Israël sont les fils d’Abraham et de Moïse. Ce sont aussi les fils du Livre et de l’Exil. Leur histoire est différente de la nôtre. Ils galopent dans les mots comme nous galopons sur la steppe. Ils savent écouter la sagesse des écrits et nous celle du vent. Ils sont juifs depuis des milliers d’années, mais ils n’ont plus de royaume. Nous avons choisi leur religion depuis moins de deux cents ans, mais nous sommes assez forts et puissants pour que l’empereur de Byzance souhaite être notre ami… Cependant, Juif d’Israël ou Juif du royaume khazar, nous avons foi dans le même Dieu, béni soit Son nom, et nous respectons la même loi."

L’histoire universelle n’a, curieusement, retenu que peu de choses de ce royaume, hormis le nom donné à une mer intérieure. Cependant, il peut être tenu pour certain que, sans la contribution des Khazars à l’histoire mondiale, l’islam et la chrétienté auraient eu une histoire bien différente de ce qu’elle fut. Contenant, pendant plus de cent ans les attaques arabes, les Khazars empêchèrent la conquête musulmane de l’Europe de l’Est. Dans son importante monographie intitulée Histoire khazare, publiée en 1962, l’historien et archéologue russe Mikhaïl Artamonov écrit [4] : « La Khazarie fut le premier état féodal d’Europe orientale à pouvoir se comparer à l’empire byzantin et au califat arabe… C’est grâce aux puissantes attaques khazares, détournant le flot des armées arabes vers le Caucase, que Byzance put se maintenir… ».

Sources bibliographiques :
- Chaliand, Gérard, Les Empires nomades de la Mongolie au Danube Ve s. av. J.-C.-XVIe S., Editions Perrin.
- Koestler, Arthur, La Treizième Tribu L’Empire khazar et son héritage, Collection Texto Le goût de l’histoire.
- Halter, Marek, Le vent des Khazars (roman historique), Editions Robert Laffont.

Notes

[1Au sens d’origine turco-mongole. Venant probablement de l’Altaï, massif de l’Asie centrale russe, chinoise et mongole, les Khazars parlaient un dialecte turc et avaient une physionomie mongoloïde. Celle de Lénine en serait un des types.

[2Il semble que les vestiges d’Itil, que l’on croyait engloutie par la mer Caspienne, aient été découverts dans le Delta de la Volga. Des fouilles y sont entreprises depuis l’an 2000 par des archéologues russes.

En 1934, l’archéologue soviétique Mikhaïl Artamonov découvrit, dans la région de Rostov sur le Don, les ruines de la forteresse khazare de Sarkel, connue dans les chroniques russes sous le nom de Biélaïa Viéja (le Château blanc). Cet événement provoqua une prise de conscience de l’intérêt historique du kaghanat khazar auprès des scientifiques, l’historiographie officielle de l’URSS considérant, jusqu’à cette date, que la Khazarie était « un petit ةtat semi-nomade à caractère parasitaire », minimisant ainsi sa portée historique et son rôle effectif dans le développement de la culture russe.

[3L’État de Kiev, ou Russie kiévienne, est le premier État des Slaves de l’Est (IXe-XIIe s.) qui se développa sur le cours moyen du Dniepr, autour de la ville de Kiev.

[4Cité par Arthur Koestler dans son ouvrage La treizième tribu – L’Empire Khazar et son héritage.


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11 Messages

  • Les Khazars, peuple de la steppe 23 juillet 2010 18:07, par PATTE Jean-François

    J’étudie le persan. Cet article est d’une grande richesse, on s’instruit tous les jours. Marek Halter a sans cesse de l’humanisme et de la spiritualité à revendre, et Arthur Koesler m’étonnera toujours par son éudtion sans anathème. Mertci pour ce plantureux chemin d’histoire au fil de mes pérégrinations en quête de vérité sur l’homme.

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  • Les Khazars, peuple de la steppe 8 août 2010 02:40, par Hepner

    Bonjour,
    Vous écrivez "qu’une grande partie des ashkénazes seraient d’origine Khazare".
    Avez-vous une idée de la proportion ?
    Existe t-il des traces (architecture etc.) de la présence Khazare dans les anciennes républiques d’URSS ?
    Merci

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    • Les Khazars, peuple de la steppe 15 août 2010 00:29

      Cher Monsieur,
      En ce qui concerne vos deux questions sur les Khazars, je vous renvoie à l’ouvrage d’Arthur Koesler « la treizième tribu ».

      Dans son chapitre « Exode », il développe la thèse d’une forte implantation khazare en Hongrie et en Pologne, après la destruction de l’empire khazar. Il pense que dans la Hongrie du Moyen-Age, l’élément dominant, au point de vue numérique et social, de la population juive est d’origine khazare. Il en est de même de la Pologne-Lituanie. Mais il admet que les historiens manquent de documents chiffrés.

      En ce qui concerne les vestiges de l’architecture khazare, la forteresse de Sarkel a été détruite en 965 et les derniers villages khazars du Dniepr ont été détruits par une révolte cosaque au XVIIe siècle. Les ruines de Sarkel ont été découvertes dans la région de Rostov sur le Don et des vestiges que l’on pense être ceux d’Itil, la capitale khazare, ont été découverts dans le Delta de la Volga. Ils font l’objet de fouilles depuis l’an 2000.
      A Kiev, ville fondée à l’origine par les Khazars, existait une « porte des Khazars », je ne sais pas si elle existe encore.

      Nous vous remercions de l’intérêt que vous portez à notre revue.
      Cordialement
      Mireille Ferreira

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  • Les Khazars, peuple de la steppe 16 septembre 2010 14:40, par KHEZZAR

    Bonjour
    Je viens de lire votre article sur les khazars, dans ma jeunesse, mon père me disait descendre du longue lignée d’un peuple errant, je pense que le nom que je porte (KHEZZAR) a été déformer suivant les siècles et que ce nom doit se rapporter à ceux des Khazars. Existe t’il des écrits à ce sujet ? merci

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    • Les Khazars, peuple de la steppe 18 septembre 2010 17:18

      A Mike musique@hotmail.com
      Il semble que le patronyme Khezzar soit courant dans les pays du Maghreb, j’ai trouvé un grand nombre de références sur les sites Internet, notamment en Algérie et au Maroc. Votre recherche pourrait s’orienter vers les services archives des grandes villes de ces pays.

      Cordialement
      Mireille Ferreira

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      • Les Khazars, peuple de la steppe 14 août 2011 18:01, par oural

        bonjour, merci avant tout pour cet espace d’échanges que vous mettez à la disposition des lecteurs.
        j’ai été amené pour des raisons généalogiques à entreprendre ce travail de recherche autour des khazzars.
        en effet, étant d’origine algérienne et portant le patronyme de oural "ural" je suis assez intrigué par les récits oraux
        qui florissent autour de la question de ce peuple, et de ce nom "khazzar" en algerie. par ailleurs dans la légende ou histoire familiale, nous serions descendants aussi d’une personne appelée mehenna venu de syrie à bejaia en algerie (autour du 15e siecle) et qui a eu des fils dont un se prénomme, el khazri. Bien loin évidemment d’être hatif sur les réponses que je pourrais apporter, je pense qu’il y a matiere à reflexion autour de ce fait, notamment par le fait que le patronyme khazzar, khezzar, el khazri, etc… est extrêmement répandu en algérie.
        cordialement, mr oural.

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    • Les Khazars, peuple de la steppe 7 octobre 2011 00:13, par Reg

      Bonjour,

      Si vous avez les moyens vous pourriez éventuellement essayer un test ADN sur le chromosome Y.
      La génétIque des Khazars n’est pas connue car les Khazars ont disparu en tant que tel. Mais leur
      origine en partie altaique permet de faire quelques hypothèses sur les haplogroupes.
      La génétique des ashkénazes ne confirme pas à priori une origine majoritairement Khazar mais
      certains haplogroupes minoritaires pourraient correspondre (R1a M17, G2c etc).
      Les Khazars sont présentés comme turcs altaiques mais leur garde était selon Peter Golden constituée
      d’iraniens Khwarezm.
      J’ai entendu parler d’un général musulman qui serait d’origine Khazar qui s’appelait quelque chose
      comme Al Kuzari mais je ne retrouve pas la source.

      Reg

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  • Les Khazars, peuple de la steppe 9 mai 2013 19:53, par Progin Janine

    Je cherche l’origine du patronyme KASLY
    Venu s’établir en Suisse vers 1790 début 1800, probablement de Hongrie et avec des origines juives issue des Kahazars ?
    Quelqu’un a-t-il des renseignements ?
    Cette revue est fort intéressante

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  • Les Khazars, peuple de la steppe 1er mai 2014 01:54, par delphinestead24@gmail.com

    Bonjour
    et merci pour cet article si intéressant

    je pense que la famille de ma mère aurait ces origines Khazar derrière elle, juifs d’ukraine ayant quitté la Russie à la révolution, mais yeux très bridés et immenses

    et mon grand père disait que la famille aurait du sang mongol ou autre derrière elle, ce qui pourrait bien en fait être Khazar et non mongol

    famille simon rabinovitch de Kiev

    de toute manière je vais continuer à suivre votre revue passionnante et me cultiver ainsi
    très cordialement

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  • Les Khazars, peuple de la steppe 24 juillet 2015 15:09, par xavier

    plongé depuis quelque temps dans divers ouvrages parlant des Khazars et autres peuples (Koestler, Sand, Halter ...), je suis étonné devant les mouvements d’échange entre les peuples ayant eu lieu avant nos "siècles des frontières". Certes, les hommes se battaient depuis Abel et Caïn, trouvant toujours de "bonnes" raisons de s’étriper ; mais il y eut aussi des échanges fructueux (commerce, alliances...) qui ont forgé le monde actuel. On ne peut que souhaiter pour l’avenir l’augmentation des comportements de tolérance et de cohabitation pacifique.

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  • Les Khazars, peuple de la steppe 27 avril 2017 14:11, par jsanaakl@gmail.com

    Bonjour,
    merci pour cet article fourni en références. Mes origines sont libanaises maronites ( chrétiennes) et ma communauté est à quasi 60% descendante des Perses, des Mèdes et des Mardes ( ou Mardaïtes). Les Mardes ou Mardaïtes sont peu cités dans l’histoire, on sait cependant qu’ils sont originaires des rives de la Caspienne, mais qu’ils étaient Indo-Européens et non pas Altaïques. Ils parlaient le Perse et au fur et à mesure de leur christianisation, ils ont fini pas adopter l’Araméen comme langue et à s’installer autour du lac de Van en Anatolie pour servir de vassaux à Byzance.

    Je trouve pas mal de similitudes entre les Khazars et mes ancêtres Mardes, sauf que les Khazars parlaient une langue altaïque et non pas Indo-Européenne, ni Sémite. Moi je suppose que les Khazars n’étaient pas des Turcs, mais des Turciques de langue turque, comme les Seldjoukides qui avaient le physique Indo-Européen et parlaient le turc.

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