N° 128, juillet 2016

HISTOIRE PRATIQUE DU SECTEUR PETROLIER
ET GAZIER IRANIEN
Résumé de la conférence donnée à Paris par Pierre Fabiani, dans les locaux de l’IREMMO (Institut de Recherche et d’Etudes Méditerranée et Moyen-Orient) le 21 janvier 2016


Mireille Ferreira


Clément Therme, membre de l’IREMMO, chercheur associé à l’EHESS et chargé d’enseignement à l’Institut d’études politiques de Paris, introduit cette conférence

 

Actuellement représentant du GEP (Groupement des entreprises et des professionnels des hydrocarbures et des énergies connexes) qui regroupe aujourd’hui 250 entreprises du secteur parapétrolier, Pierre Fabiani est actif dans le secteur pétrolier depuis 1973. Représentant de la firme pétrolière française Total en Iran de 2004 à 2008, c’est en 1974 qu’il y entreprit son premier voyage.

L’Europe et l’Iran se trouvant aujourd’hui dans une phase de réchauffement des relations, il nous a paru opportun d’organiser une conférence sur le thème du pétrole iranien. Le retour de l’Iran est d’autant plus remarqué qu’il s’agit d’une puissance régionale incontournable liée à l’énergie, des secteurs pétrolier et gazier en particulier. L’Iran dispose, en effet, des premières réserves mondiales de gaz naturel et des quatrièmes réserves mondiales de pétrole. En l’absence de données plus précises, sa production pétrolière est estimée entre 2,8 et 3,4 millions de barils par jour, selon que l’on compte ou non les condensats, [type de pétrole léger, gazeux dans le gisement, qui se condense une fois refroidi]. Les exportations de l’Iran sont estimées à 1,1 million de barils par jour pour le mois de janvier.

Pierre Fabiani

 

L’Iran a annoncé 500 000 barils/jour supplémentaires d’ici à six mois dont 200 000 proviendraient de champs pétroliers partagés avec l’Irak et un million de barils/jour supplémentaires d’exportation d’ici un an dont 700 000 proviendraient des champs partagés. Ces annonces iraniennes s’effectuent dans un contexte d’un prix du baril au plus bas depuis 2003, c’est donc un contraste très fort avec 2012, période durant laquelle l’Europe a mis en place un embargo sur le pétrole iranien, entraînant la chute de ses exportations.

 

Intervention de Pierre Fabiani

 

L’Iran est le plus ancien pays producteur de pétrole du Moyen Orient, bien avant l’Arabie Saoudite et l’Irak. Le premier champ pétrolier exploité fut en effet celui de Masjed-e Soleimân, situé dans la province du Khouzestân au sud-est de l’Iran, en 1908, alors que les grandes découvertes de l’Irak se situent seulement à partir de 1927, à Kirkouk. Ensuite, ce fut le Koweit, la péninsule arabique, etc. L’Iran est donc un très ancien pays pétrolier qui, à un moment donné, avait la plus grande raffinerie du monde, celle d’Abadan qui traitait 600 000 barils par jour. L’Iran possédait l’intégralité des métiers du pétrole, ce qui n’a pas toujours été le cas des autres pays producteurs. Les Américains ne se sont intéressés au pétrole en dehors de leurs frontières que quand ils ont commencé à en manquer chez eux. Ils ont alors créé des compagnies comme, par exemple, l’Aramco avec l’Arabie Saoudite.

Exploitation du gisement de gaz naturel South Pars

 

En Iran, au début des années 1950, Mossadegh est arrivé au gouvernement et a, entre autres, établi le principe du monopole de la NIOC (National Iranian Oil Company) en matière de production des hydrocarbures. La CIA et le MI6 ont fomenté alors un coup d’état, évinçant Mossadegh pour rétablir le Shâh sur son trône. En revanche, le principe du monopole de la NIOC n’a pas été remis en question et reste fondamental aujourd’hui.

 

Pour pouvoir opérer, l’Oil Service Company (OSCO) a été créée

 

Cette société de services réunissait les fameuses sept sœurs, les grands pétroliers que l’on connait dont Total, la Française des Pétroles à l’époque [1]. On a ainsi réussi, en 1978/79, à produire 6,1 millions de barils/jour, sans tenir compte des condensats, qui n’étaient pas alors produits, puisque le gaz fatal [2] était brulé et que les découvertes de champ de gaz n’étaient pas développées. Aussi surprenant que cela puisse paraître aujourd’hui, on torchait le gaz fatal et, quand un forage trouvait du gaz, le puits était bouché. Heureusement, les pratiques ont évolué. Il faut bien comprendre qu’on produisait déjà six millions de barils à l’époque, mais de brut uniquement. Depuis, les chiffres ont changé de par l’arrivée des condensats, bien qu’ils ne fassent pas partie des quotas OPEP, les condensats étant du pétrole fatal de la production de gaz.

 

La révolution est arrivée et l’OSCO a complètement disparu. On a vu alors le repli sur soi de l’Iran, puis la guerre Iran-Irak, très difficile pour les Iraniens qui ont fait preuve, alors, d’une très grande résilience, réussissant malgré la guerre à continuer de produire et d’exporter du pétrole. Après ces événements, la production avait bien sûr beaucoup baissé et l’Iran a décidé de rouvrir en partie ses portes à l’industrie pétrolière internationale. C’est là que les contrats Buy-Back [3] ont été conçus par Seyed Mehdi Hosseini, Directeur Général Adjoint de la NIOC.

 

Dans l’Exploration /Production, il y a trois grandes phases : Exploration, Développement, Production

 

Les Buy-Back ont, pour la plupart, exclu l’exploration et la production. Ils ne concernaient donc que la partie développement du champ qu’une IOC (Iranian Oil Company) devait réaliser sur place à ses frais, sous la supervision de la NIOC. Quand le champ avait commencé à produire, les clés en étaient données à la NIOC, qui n’a jamais voulu laisser intervenir les IOC dans la production. Ainsi, le premier Buy-Back fut établi en 1995, malgré l’opposition appuyée des Américains, avec la loi d’Amato-Kennedy, qui a causé beaucoup d’ennuis à bien des gens dans le monde [4]. Ensuite, dans la foulée, Total a signé trois autres Buy-Back. D’autres compagnies ont fait de même et, en tout, il y en a eu environ une douzaine.

Principales installations des secteurs pétrolier et gazier

Mais à chaque fois que le champ était prêt à produire, l’IOC partait, ce qui est une hérésie totale. En effet, les compagnies pétrolières auraient pu apporter leurs vraies valeurs ajoutées, d’abord en exploration mais, surtout, en production. C’est avec le management du champ sur toute sa durée de vie que l’on peut apporter le plus de valeur ajoutée. Nous avons donc vécu cela, puis sont arrivées les nouvelles sanctions dues aux histoires atomiques et tout s’est arrêté. Pendant huit ans, il n’y a plus eu de nouveaux développements en Iran. Des compagnies sont parties, d’autres sont restées, à chacun sa philosophie. Total n’a ainsi quitté l’Iran qu’entre 1979 et 1995.

 

Durant cette période, l’Iran s’est retrouvé avec des revenus assez bas, sans capacité d’investir. Aujourd’hui, il n’y a plus de liquidités, pas de prêts, l’Iran étant coupé du système bancaire international. Avec les sanctions, personne ne voulait prêter de l’argent à l’Iran. Depuis un an, la levée des sanctions commençant à se mettre en place, l’Iran souhaite attirer les investissements. C’est le contrat IPC, Iranian Petroleum Contract, conçu par Seyed Mehdi Hosseini, qui essaye de rapprocher le contrat de la pratique normale de l’industrie pétrolière internationale. Cette pratique normale, c’est le partage de production. Actuellement, les sanctions contre l’Iran commencent seulement à être levées. Mais cela va être long, car beaucoup de gens sont intéressés dans le maintien des sanctions, de part et d’autre. Il y a aussi des nationalistes honnêtes en Iran qui considèrent que ce n’est pas bien de rouvrir le secteur pétrolier comme ça. Ailleurs aussi, il y a des gens mécontents de voir l’Iran revenir sur la scène pétrolière internationale.

 

L’Iran peut-il produire en dessous de 30 dollars ?

 

Bien sûr, peut-être pas partout mais il le peut en grande partie. Certains champs en Iran risquent de souffrir car ils ont subi une augmentation de leurs coûts techniques de production, de par leur vieillissement. L’Iran a tout à fait les moyens de produire à trois ou quatre $ le baril sans problème, dans de nombreux champs, tout comme l’Arabie saoudite ou les Emirats. Quand j’ai commencé mes activités en 1973, le pétrole valait deux $/b. Je crois, de mémoire, que c’est en février 1999 que le pétrole est passé à dix $/b. Ce qui est anormal dans les récents prix du baril, c’est la stabilité incroyable au-dessus de 100 dollars pendant quatre ans. C’est un peu incompréhensible. En tout cas, personnellement, je n’ai pas tout compris.

 

Le problème de l’Iran est de reprendre sa place sur la scène internationale

 

Ce n’est pas le bon moment, parce qu’il y a surproduction, même si elle n’est pas énorme, mais avec des effets très importants sur un équilibre très fragile. Avec une surproduction de 2 ou 3 millions de barils/jour, le prix est tombé, à ce jour, à 27 $ le baril, je crois. L’Iran peut produire, son problème est de retrouver ses clients. Retrouver 500 000 barils de plus d’export ne doit pas poser de problème dans les six mois à venir, cela se fera mais il va y avoir des discussions vives sur les prix. Sur les ventes de brut, l’Iran préfère travailler, le plus possible, en direct avec des compagnies pétrolières. Le vrai problème est de se « battre » contre les Saoudiens, l’Irak et d’autres sur le marché du pétrole. En revanche, quand vous voyez des prix du baril à 27 dollars, cela gêne les autres producteurs de pétrole et de gaz. Par exemple, la production des schistes bitumineux coûte 80 dollars, donc aujourd’hui on suspend, c’est simple. Personne ne peut payer 80 dollars pour en récupérer 27. Je suis convaincu que l’Iran a toute sa place à reconquérir et qu’il y parviendra.

 

Carte de localisation de South Pars

Intérêts et difficultés des entreprises internationales d’investir en Iran

 

Aujourd’hui, leur problème est d’abord de trouver de nouveaux marchés. Je parle ici des compagnies pétrolières mais aussi des entrepreneurs qui les assistent. Ce qui est à faire en Iran est colossal et il y a du travail partout pour tous. Encore faut-il que ce soit rémunérateur. Nous ne sommes plus dans le même contexte qu’il y a dix ans. Faire des associations pour apporter aux entreprises iraniennes le niveau technologique que l’on connaît à l’extérieur de l’Iran est une clé de notre retour dans ce pays. Dans l’intérêt bien compris des entreprises, il faut travailler ensemble, tout simplement.

 

Le problème est le financement. L’Iran n’a pas d’argent. Il y a au mieux environ 150 milliards à l’extérieur, mais cela reste très en dessous des besoins de l’Iran. Il faut impérativement que des liquidités soient injectées en Iran même, pour rétablir le niveau de l’industrie tant de la NIOC que des entreprises iraniennes. Il y a un intérêt pour tout le monde à condition que l’argent vienne relancer l’économie. Ce n’est pas simple puisqu’il n’y a pas de système bancaire internationalement opérationnel (SWIFT, …) et qu’il faut faire vite, c’est herculéen ce qu’il y a à faire.

 

Aujourd’hui, l’Iran propose 50 champs à la coopération, de différentes dimensions et caractéristiques. Je vois mal comment la NIOC va pouvoir mener à bien des négociations sur 50 champs en parallèle, connaissant la passion, les qualités mais, aussi, la rigidité iranienne en la matière. Une telle tâche n’est pas habituelle dans la culture locale et, donc, elle va prendre beaucoup de temps, comme toujours en Iran. D’autant que plusieurs de ces 50 champs vont être mis en appel d’offres.

 

Je peux vous donner un exemple : quand je suis arrivé en Iran, j’étais dans la salle du Conseil de la NIOC, lors de la signature des contrats Pars LNG/SP11, qui représentaient 7 milliards d’euros. C’était génial pour commencer un nouveau poste. Quand j’ai quitté l’Iran, lors de mon dernier Conseil d’Administration Pars LNG, j’ai fait remarquer que nous avions passé quatre ans à négocier les clauses d’un contrat signé, que je n’avais jamais vécu cela avant et que cela resterait, sans aucun doute, unique dans ma carrière. Il n’y a aucune critique dans ce que je dis, c’est comme ça, c’est une des difficultés de l’Iran. Une autre difficulté est la façon de mettre en œuvre les contrats, qui relève de personnes qui sont à des niveaux où on ne prend pas de décision, mais où on applique de façon rigide et bureaucratique. Tout ce qui est écrit dans le contrat, mais rien d’autre. Ce n’est pas cela notre métier.

Dans le développement d’un champ, il faut prendre certaines décisions en cours de route. Je vous donnerai un exemple : nous avions un contrat où il fallait faire des forages, puis en regardant plus en détails le réservoir, on s’est rendu compte qu’un des forages tel qu’il était prévu, ne servait à rien. C’est ce qu’on a clairement signalé, mais on a dû le faire quand même, aux frais du client, parce qu’il était contractuel. Rien de grave pour nous puisque nous étions payés par une marge calculée sur les coûts.

 Une autre grande difficulté : le travail en équipe, qui n’est pas non plus dans la culture iranienne. Faire travailler ensemble des gens qui veulent tous être le chef, n’est jamais simple. L’éducation iranienne, excellente parce qu’elle est au mérite uniquement, reste trop élitiste. On n’est rien si on n’est pas « PhD » (Docteur es…). En revanche il n’y a pas d’enseignement technique au sens français. Un exemple : l’industrie automobile, Iran Khodro, Saipa, Peugeot, Renault…, a dû monter sa propre école d’enseignement technique pour former les techniciens, chefs d’équipe, etc., absolument essentiels au bon fonctionnement d’une usine, qui ne peut tourner qu’avec des ingénieurs. C’est un problème dans toute l’industrie.

Exploitation offshore du gisement de gaz
naturel South Pars

En 2007, le Parlement iranien (Majlis) a décidé qu’il n’y aurait pas plus de 2/3 des diplômes attribués aux femmes. Cela signifie qu’à cette époque déjà à peu près 2/3 des diplômes étaient donnés aux femmes. Du temps du Shâh, les femmes ne pouvaient plus porter de voile à l’université. Pour beaucoup d’entre elles, en particulier celles venant de province ou des classes modestes, c’était culturellement impossible. Elles n’allaient donc pas à l’université. A la révolution, le voile a été rétabli, les femmes sont donc arrivées en plus grand nombre et ont trouvé, à l’université, une grande liberté intellectuelle, elles ont aussi bien travaillé. Par exemple, le résultat effectif sur le champ de traitement de gaz de South Pars a été que 20 % des postes d’ingénieurs et techniciens étaient tenus par des femmes. Je n’ai jamais trouvé cela ailleurs dans le monde. Tout n’était pas simple pour autant, il y eut bien d’autres problèmes, comme la conception d’une tenue de travail pour les employées iraniennes. Cette question de sécurité est de strict bon sens. Il ne peut y avoir ni vêtement ample, ni de voile près des machines tournantes.

La première difficulté à laquelle les entreprises étrangères se heurtent en Iran, c’est l’attitude des Américains. Si vous avez suivi les épisodes depuis le 14 juillet, date de l’accord de principe de levée des sanctions, on constate un silence assourdissant de ces derniers. L’accord prévoyait que, dès son approbation, qui a eu lieu fin septembre, toutes les compagnies pourraient aller travailler en Iran et commencer à négocier des contrats, sous la réserve d’un article stipulant : « ce contrat sera effectif le jour où les sanctions seront levées ». Cependant, les USA l’ont interdit aux sociétés américaines mais l’ont permis aux filiales étrangères de ces sociétés américaines. Bizarre, non ? Pourquoi les autres et pas elles, pourquoi les filiales ?

 

Les Américains sont, à mon sens, embarrassés par le nombre et la diversité de leurs sanctions. Par exemple, les Européens ne sont soumis qu’aux sanctions européennes, alors que les USA ont instauré des sanctions fédérales, nationales et locales.

 

Un autre point très ennuyeux, c’est que les Américains ont appliqué l’extra-territorialité de leurs lois, ce qui est un scandale en soi. Les Américains disent : « Vous avez utilisé le dollar, vous avez fait des choses que l’on trouve tout à fait pendables, vous avez enfreint la loi. C’est très simple, soit vous acceptez l’amende, soit on vous supprime votre licence d’activité aux Etats-Unis. » Par exemple, pour la BNP (Banque Nationale Populaire), les USA représentaient 60% environ de son chiffre d’affaires, elle n’a donc pas hésité et a payé l’amende. Cette attitude des Américains n’est pas correcte, il faudrait que ce problème soit réglé, mais on ne voit pas bien ni comment, ni quand. C’est très inquiétant.

Une autre difficulté pour les investissements en Iran, c’est le Snap-Back : dans les accords du 14 juillet, il y a ce petit codicille qui dit que si l’Iran utilise l’arme nucléaire, une des autres parties de l’accord peut exiger le Snap-Back, c’est-à-dire le retour à la situation antérieure, à savoir les sanctions. Cela représente un frein très important à l’investissement, car quelle compagnie pourrait prendre une décision d’investissement avec une telle épée de Damoclès au-dessus de la tête ?

Sur la question du prix actuel du baril, nous sommes exactement dans le même scénario qu’à la fin de la guerre Iran-Irak, quand l’Arabie Saoudite a volontairement ouvert les robinets pour casser les prix. Aujourd’hui, pour arriver à un accord entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, il faut voir si l’Iran est capable, devant son peuple, de réviser sa politique régionale. Son implication dans la région, que ce soit par exemple en Syrie, en Irak, au Liban, au Yémen, coûte extrêmement cher au peuple iranien qui n’en a pas les moyens. N’oublions pas qu’une baisse de prix d’un dollar le baril à 3 millions de barils/jour de production de l’Iran coûte un milliard de dollars par année de perte. En fait par rapport aux 100 $ le baril, l’Iran perd, à ce jour, 70 milliards de dollars par an. C’est considérable.

 

Je reviens à l’histoire du contrat pétrolier qui est une affaire complexe, très difficile à négocier. Pour inciter des sociétés internationales à aller investir dans un pays, il faut laisser davantage de marge à la négociation. Toutes les clauses ne doivent pas être préalablement verrouillées. Une société internationale a aussi besoin d’inscrire des réserves d’hydrocarbures dans ses livres – le fameux « Booking » des réserves. C’est un problème très délicat pour l’Iran, car sa Constitution n’autorise rien de tel. D’autre part, la société internationale veut pouvoir elle-même exporter ses droits à pétrole. Il y a encore, sur ce sujet, un certain nombre d’améliorations à apporter.

 

Plateforme gazière de South Pars

Des difficultés d’exploiter les réserves considérables du gaz iranien

 

Il y a énormément de gaz en Iran, autant qu’en Russie. L’Iran seul pourrait, sur le papier, inonder l’Europe en gaz et y remplacer les Russes, alors que, depuis 25 ans, l’Iran n’a jamais pu concrétiser quoi que ce soit, n’ayant ni canalisation disponible, ni usine de gaz naturel liquéfié. Les exportations d’Iran se font vers la Turquie et l’Arménie, ce qui est négligeable par rapport au potentiel d’export iranien. J’ai participé, par exemple, en 1993 à des études énormes sur l’exportation du gaz iranien et qatari, ensemble, vers le Pakistan et l’Inde. Mais les Américains ont tout fait – j’étais à l’époque à la Banque Mondiale – pour faire cesser les négociations. Ils n’ont même pas permis à la Banque Mondiale de publier l’étude. En fait les Américains voulaient approvisionner le Pakistan et l’Inde par le gaz turkmène. Le Turkménistan vient de mettre sur la table aujourd’hui que les Américains ont en fait négocié avec les Talibans, un petit peu avec l’équipe de Ben Laden, en 1993. Je vous assure que le bureau d’Exxon à Islamabad était bourré de « barbouzes » américaines. Finalement, le Turkménistan vient de proposer 10 milliards de dollars pour financer le pipe-line depuis ses champs gaziers vers le Pakistan et l’Inde. Le Qatar a pris la moitié du marché mondial de gaz liquéfié, en investissant cent milliards de dollars pour en développer la production. Donc, de fait, l’Iran se trouve entièrement encerclé par ses voisins qui ont pris pratiquement le marché mondial du gaz.

 

Pourquoi n’avons-nous pas fait de raffineries en Iran, alors que nous en avons fait ailleurs, comme en Arabie Saoudite (raffinerie de 400 000b/j sur le golfe Persique) ?

 

C’est d’abord parce que c’est un gros investissement qui ne rapporte que peu. A moins de 27 dollars, les compagnies pétrolières sont effectivement regardantes. Ensuite, les raffineries iraniennes n’étaient pas très efficaces. A leur décharge, il y a dix ans, l’essence ne valait que huit cents/litre. Très difficile à ce prix de motiver des raffineurs à optimiser la production ou à investir dans le raffinage. Dès qu’un système est trop subventionné, on ne peut plus générer d’investissements pour l’améliorer. Et tant qu’il y a surproduction, ce n’est pas le meilleur moment pour investir. Néanmoins, les compagnies pétrolières ne travaillent pas à six mois. Il faut de nos jours au moins six années pour rendre un champ pétrolier off-shore opérationnel. J’ai vu autrefois des champs devenir opérationnels en moins d’une année, mais aujourd’hui, il faut énormément plus de temps, vu les normes et les règles d’aujourd’hui. Par ailleurs, je n’ai rien contre les énergies renouvelables mais les énergies fossiles ont encore de beaux jours devant elles. Le plus écologique des scénarios crédibles à 50 ans prévoit quand même des énergies fossiles à 80 % parce que l’on ne saura pas faire moins. L’Iran a très largement diminué les subventions à l’essence, ce qui peut relancer le marché. Je reste optimiste pour l’Iran.

    Notes

    [1La Société Total - initialement Compagnie Française des Pétroles, qui n’était à l’origine, que moyen-orientale - fut créée en 1924 pour gérer les intérêts de la Deutsche Bank dans la Turkish Petroleum Company, que l’Allemagne avait payés à la France à titre de dommages de la guerre 1914-1918.

    [2Le gaz fatal est le gaz associé à une production de pétrole.

    [3Buy-Back : contrat de construction des installations de production d’un champ, financée intégralement par le maître d’ouvrage, qui est payé, investissements plus marge, sur la production du champ opérée, elle, par la seule NIOC.

    [4La loi d’Amato-Kennedy, adoptée par le Congrès américain le 8 août 1996, vise à sanctionner les États voyous (Rogue states) en raison de leur soutien au terrorisme international, de leur volonté de se procurer des armes de destruction massive et de leur hostilité au processus de paix au Proche-Orient (Note Wikipédia).


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