N° 58, septembre 2010

Les sculptures de Mohammad-Hossein Emad Emanations d’un monde mystérieux et apaisant


Djamileh Zia


La Galerie Aun [1] a organisé en mai 2010 une rencontre avec Mohammad-Hossein Emad, devenu célèbre en Iran pour ses sculptures en bois, avec des espaces vides et des trous. Les sculptures de M-H Emad émanent d’un monde inconnu pour lui-même ; pourtant, elles ont un aspect familier et apaisant pour ceux qui les regardent. Pour Mahmoud Parvizi, critique d’art, ce sentiment des visiteurs est lié au fait que les sculptures de M-H Emad évoquent un passé lointain.

Mohammad-Hossein Emad Emanations

Mohammad-Hossein Emad expose ses créations artistiques depuis une vingtaine d’années. Il est devenu célèbre en Iran pour ses sculptures en bois comportant des espaces vides à l’intérieur et des trous en surface, ainsi que des éléments métalliques par endroits. La Galerie Aun a organisé en mai 2010 une rencontre avec l’artiste. Les gens étaient assez nombreux, preuve que les œuvres de M-H Emad suscitent la curiosité. Ils ont eu l’occasion de discuter avec lui à propos de ses créations. En réponse à une question sur les espaces vides qu’il creuse dans ses sculptures, M-H Emad a dit : « Vider, créer des espaces vides, fait partie des fondements de la sculpture. Si l’on considère un volume comme la représentation de l’univers, le fait que son intérieur soit vide fait émerger de nombreuses idées dans mon esprit. La science a permis de montrer que même une matière apparemment compacte comme le fer, a une structure spongieuse quand on l’observe de très près ; il y a donc des espaces vides partout autour de nous ». M-H Emad cherche-t-il à signifier quelque chose de particulier avec ce vide ? « Ma démarche est peut-être une tentative d’aller au-delà des apparences, pour m’approcher de la vérité de l’être. C’est ce que la plupart des poètes et des écrivains iraniens ont tenté de faire depuis des siècles ; ils ont essayé de nous indiquer qu’il y a une vérité autre, au-delà de ce que nous voyons. Mais créer des espaces vides à l’intérieur de mes sculptures n’est qu’un aspect de ce que je fais. Les formes que je crée, les matières que j’utilise et la façon de les agencer sont elles aussi des éléments qui, quand ils se combinent, aboutissent à l’expression de quelque chose de spécifique ». Et quelle est cette chose spécifique ? « Je ne suis conscient que d’une partie de ce que j’exprime dans mes sculptures. A mon avis, une œuvre d’art relève de l’inconscient ; elle permet de donner une forme à l’inconscient, qui est un monde autre, différent de celui dans lequel nous sommes. La plupart de ceux qui visitent mes expositions disent qu’ils n’ont pas vu ailleurs quelque chose de semblable à mes sculptures. Je dois dire que mes sculptures sont nouvelles pour moi-même. Ce sont des volumes que ni moi, ni les visiteurs, n’avons vus ailleurs, et pourtant, les gens disent que cela leur plaît, ce qui signifie à mon avis qu’ils établissent une relation avec mes sculptures. Je pourrais éventuellement dire ce que chaque sculpture évoque pour moi, mais il y a une part d’inconnu en elles, une part dont personne ne peut parler, qui existe pourtant, et que l’on peut tenter d’éclaircir grâce à leurs éléments constitutifs ».

Lors de cet après-midi de rencontre, Mahmoud Parvizi, critique d’art, a donné son avis à propos des œuvres de Mohammad-Hossein Emad. Pour lui, les sculptures de M-H Emad font écho à un passé très lointain, enfoui dans notre mémoire. L’utilisation du bois en tant que matériau principal, la simplicité des formes - qui ne ressemblent à rien de précis mais évoquent des ustensiles anciens - provoquent en nous une réminiscence. Ainsi, les sculptures de M-H Emad peuvent être considérées comme une lutte contre l’oubli. M-H Emad, qui était d’accord avec M. Parvizi, compléta ses dires en ajoutant quelques phrases sur l’utilisation des métaux dans ses sculptures : « Nous sommes aujourd’hui entourés d’objets métalliques. L’aluminium, que j’ai utilisé dans l’une de mes sculptures, est pour moi le symbole de notre époque. Le fer, que j’ai utilisé dans d’autres sculptures, évoque une époque plus lointaine ». Les matériaux utilisés (le bois, le fer, l’aluminium) évoquent ainsi des époques différentes et permettent un va-et-vient dans le temps. Leur combinaison dans une même sculpture pourrait être comprise comme une tentative d’évoquer le passé et le présent dans une harmonie qui serait à créer. En poussant plus loin cette hypothèse, on pourrait dire que les sculptures de M-H Emad seraient une tentative de représenter la recherche d’une manière de vivre qui puisse combiner les traditions et la vie moderne. M-H Emad parle en tout cas de cette question quand il explique en quoi, à son avis, son séjour de dix-huit mois à la Cité internationale des arts de Paris (en tant que boursier du gouvernement français) a été bénéfique : « Voyager et vivre quelque temps en Europe permet d’augmenter nos connaissances sur la vie moderne, et nous, les Iraniens, avons besoin de mieux connaître la modernité dans ses différents aspects pour pouvoir choisir notre mode de vie en connaissance de cause. Ce serait bien de pouvoir créer un mode de vie qui nous convienne, un mode de vie adapté à notre climat, à notre culture, où nous pourrions profiter du confort de la vie moderne sans imiter complètement et aveuglément ce qui existe en Occident. Ce mode de vie qui nous conviendrait serait une combinaison de la vie moderne et de nos traditions ».

M-H Emad s’est aperçu que tous les visiteurs suivent du regard, jusqu’à leur extrémité, les deux bras de l’une de ses sculptures. De même, presque tous ceux qui s’approchent d’une sculpture de M-H Emad se mettent à regarder à travers les trous qu’il y a creusés pour voir ce qu’il y a dans la sculpture (et dans la plupart des cas, ce qu’ils voient est un espace vide). Mais M-H Emad insiste sur le fait que ses sculptures ne représentent pas une idée unique et déterminée ; il tente d’orienter (avec la forme qu’il crée) le regard des visiteurs sans vouloir leur imposer une idée précise. D’ailleurs, son propre regard sur ce qu’il crée se modifie, se renouvelle en permanence, tant en cours de sa réalisation qu’après. « Je commence une sculpture en ayant une idée précise en tête, mais cette idée n’est qu’une motivation pour commencer ; mes idées changent au fur et à mesure que le travail avance, parfois à cause d’évènements imprévus ».

Notes

[1Pour plus d’information sur cette galerie, vous pouvez consulter le site www.aungallery.com.


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