Le thé est depuis longtemps la boisson la plus populaire et la plus bue par les Iraniens. Pour préparer du thé, on utilise plusieurs récipients dont une théière, une bouilloire, un samovar, etc. Traditionnellement, le samovar est l’un des ustensiles les plus présents dans les cuisines iraniennes. Il était auparavant vendu selon différents modèles fonctionnant au charbon, au pétrole ou au gaz ; cependant, de nos jours, ces versions ont été en majorité remplacées par les samovars électriques.

Le samovar est un grand récipient destiné à contenir l’eau qui est bouillie avec un petit tuyau traversant le milieu du récipient et prolongé par un robinet. Dans un autre compartiment, on mettait auparavant du combustible comme des cônes de sapin, des bûchettes, des petites branches de bois, du carbone, du pétrole, du gaz... Sur le haut du samovar, on fait infuser le thé, le café ou de la tisane dans une théière généralement en porcelaine. Pour la fabrication du samovar, on utilise plusieurs matériaux dont le laiton (le cuivre jaune), le tombac (le cuivre rouge), l’argent ou encore le maillechort. Malgré la diversité de ses ornements, les samovars ont un but unique : conserver en permanence l’eau chaude et le thé prêt, symbole de l’hospitalité du peuple iranien. Dans ce qui suit, nous allons donner un bref aperçu sur l’histoire et l’utilisation du samovar en Iran.

Le samovar a été inventé au début du XVIIIe siècle en Russie, « samovar » étant un mot russe signifiant « celui qui cuit tout seul ». La première manufacture destinée à la fabrication du samovar fut fondée en 1820 dans un petit village russe nommé Toulâ. [1] L’origine véritable de cet objet reste cependant incertaine. Certains historiens considèrent ainsi que le grand Khorâssân en Iran a été le berceau du samovar. Selon eux, les habitants de cette région faisaient infuser des plantes médicinales dans un récipient particulier. Cet appareil, doté d’un tuyau et d’un cendrier, peut être considéré comme le prototype du samovar actuel.

Dans l’ouvrage Tazkerat-ol-Molouk [2], source historique datant de l’époque safavide, on peut lire que les Iraniens aiment depuis longtemps boire du café. De ce fait, on voit l’apparition et la généralisation des ghahveh khâneh (cafés) à l’époque safavide et plus particulièrement sous le règne de Shâh Abbâs le Grand. Dès lors, de nombreux cafés sont construits dans la majorité des villes iraniennes et un nouveau métier naît : celui de cafetier (ghahvehtchi). Pour faire bouillir l’eau, le cafetier de cette époque se sert d’un outil dont l’apparence ressemble à celle du samovar ; il s’agit en fait d’un grand réservoir d’eau avec un foyer destiné à fournir de l’eau chaude. Le feu du foyer est alimenté par du charbon ou du bois. C’est durant cette période qu’on voit l’arrivée du thé qui remplace rapidement le café grâce à l’accueil chaleureux qui lui est réservé par les Iraniens. Au XVIIIe siècle, ledit appareil aura été introduit en Russie par les marchands iraniens. Dès sa découverte par les Russes, l’objet remporte un grand succès et devient très populaire. Il est donc probable que l’idée de la fabrication du samovar en Russie provienne de cet ustensile traditionnel iranien. Selon cette version, les artisans russes s’en seraient inspirés pour créer le samovar. Cet appareil d’origine iranienne revint dans le pays sous sa forme actuelle et avec des ornementations européennes à l’époque de Nâssereddin Shâh. Après avoir reçu un samovar russe de la part d’un marchand russe, le ministre Amir Kabir (1848-1951) demande à un dinandier d’Ispahan de fabriquer un samovar sur ce modèle, ce que cet artisan fit d’une très belle manière. Le ministre réformateur Amir Kabir, suivant la politique de modernisation et d’industrialisation du pays, décide alors de créer plusieurs usines de samovar dans des villes iraniennes. Dès lors, cet ustensile devient populaire auprès des Iraniens.

Samovar fait à Tulâ, fin du XIXe siècle, Russie

En fait, le samovar est si populaire qu’on peut même en voir des représentations sur les murs et façades des bâtiments datant de cette période. Un exemple est la Maison des Boroudjerdi à Kâshân (fondée en 1857) dont la façade est peinte et ornée de représentations de samovar et d’autres éléments de service à thé. Après la mort du ministre Amir-Kabir, la plupart de ces manufactures furent liquidées sur ordre du roi ; on voit toutefois perdurer une production limitée et traditionnelle de cet outil dans les petits ateliers.

En 1890, grâce aux efforts de Kâshef-ol-Saltaneh surnommé "le planteur de thé", les Iraniens commencent à planter du thé en Iran et cette plante devient très vite l’une des productions régionales majeures du nord du pays. Dès lors, le thé remplace le café chez les Iraniens ; ainsi, on peut dire que le thé et le samovar deviennent deux éléments essentiels pour préparer la boisson la plus bue en Iran. C’est à partir de cette période que la dinanderie (en persan : davâtgari) se répand dans le pays. Au début, on fabriquait des samovars très simples, mais petit à petit les œuvres deviennent plus complexes, plus décoratives et les matériaux plus variés. La technique de dinanderie était à la base utilisée pour la fabrication de divers récipients dont assiettes, carafes, chaudrons, théières, etc. Suite à la popularité du samovar, les dinandiers se mettent également à produire cet ustensile sous diverses formes et dimensions.

La fabrication traditionnelle du samovar dans les petits ateliers et les manufactures se prolonge jusqu’aux années quarante, où l’on peut citer le nom de deux pionniers dans la fabrication industrielle de cet outil. En 1943, les frères Varshotchi fondent leur usine dont le but initial est de produire des samovars et d’autres récipients de cuisine ; dès 1964, cet ensemble change son activité et se consacre plutôt à l’importation d’objets en téflon, ainsi qu’à la fabrication et à la vente de métaux tels que le laiton et l’aluminium. En 1949, un autre homme d’affaires nommé Mir Mostafâ آlinassab fonde à Téhéran une usine destinée à la production industrielle de samovars à pétrole. De nos jours, suite au développement des théières et bouilloires électriques, le samovar a perdu sa popularité ; il est plutôt utilisé comme un objet décoratif dans les maisons iraniennes.

Théière et samovar en gravure, place Naqsh-e Jahân à Ispahan

Source :
- Shâhbâzi, Dârioush, Barghâyi az târikh-e Tehrân (Quelques pages de l’histoire de Téhéran), éditions Sâles, Téhéran, 2011.

Notes

[1Village situé à 200 km au sud de Moscou.

[2La Biographie des rois, écrit par Mirzâ Sami’â, important historien de l’époque safavide.


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